RESISTANCE

Mardi matin. J’appelle l’agence du bout-du-cul-du-monde. Même si elle était située à cinq minutes à pied du siège du Canard, une agence, et surtout pour ceux qui y travaillent, est toujours au bout-du-cul-du-monde tant on s'y sent coupé de tout.
Celle que j’appelle l’est vraiment. Je le sais. J’y ai bossé cinq ans, au black, lorsque j’étais plus jeune.
Donc j’appelle. Ça sonne. Met un certain temps pour répondre. Je me présente et demande à parler à Truc. On me dit qu’il est sorti. Voix méfiante à l’autre bout. Normal. En principe lorsque le siège téléphone c’est pour ajouter du boulot à l’arrach’ aux journaleux. Je précise qu’il n’en est rien. J’ai juste besoin de lui parler pour lui demander un contact. Puis-je le déranger sur son portable ? On me dit que oui. En fait, il est en bas, dans la rue de l’agence du bout-du-cul-du-monde en train de fumer son clope.
Et ç’est là que je percute. Je l'imagine, arpentant le trottoir dans ses volutes de Marlboro. Pourtant dans l’agence, si j’ai bonne mémoire, il y en a des endroits où l’on peut cloper en loucedé. Oui mais lui, il est chef, doit falloir qu’il montre l’exemple.
Au siège, c’est différent : on clope à mort dans les bureaux des chefs. En revanche, la piétaille elle, doit s’extérioriser pour inhaler son herbe à Nicot favorite.
Sauf que, les futurs cancéreux que nous sommes avons trouvé des endroits pour. Dans un premier temps, il y eu la petite cour intérieure. Mais difficile d’accès. Depuis, c’est l’ex labo photo qui sert de fumoir. Pied de nez manifeste à l'évolution technologique : à l'époque de l'argentique, à cause des produits, le labo photo était le seul endroit où, pour raisons sécuritaires, il était interdit de fumer. On ne dira jamais assez de bien de l'arrivée du numérique qui aura transformé le lieu en seul et unique endroit du Siège devenu salon où l'on fume. On s’y retrouve donc pour ne pas enfumer les passifs et les asthmatiques… Qui nous rejoignent souvent, même si leur santé doit en souffrir. Parce qu’en fumant… on cause, on refait le monde, le Canard, l’organigramme. On imagine des rubriques, des articles, on dit du mal des chefs.
Si ça se trouve, c’est pour cela qu’on fume comme des pompiers dans leurs bureaux aux cadors des étages : parce qu’ils aimeraient bien en faire autant : rêver à un vrai journal qui serait écrit avec plaisir et lu avec bonheur.
Berniques, fumez vos Gitanes seuls ! Nous on reste dans notre labo, comme des chercheurs, des Geo Trouvetout de l’impossible. Et on clope.
Fumer tue ? Que dalle ! Fumer nous permet d’être ensemble…. Comme la rédaction d’un vrai Canard.

Comments

[manolo007]

J'aurais donc fait une fausse manip' ? C'est fort possible, ma foi. L'intérêt du commmentaire, à la différence de la réponse, tenant dans sa spontanéité, j'ai oublié le texte du mien aussi vite que je l'ai écrit. L'histoire retiendra donc simplement que le texte de Clo2M m'avais accroché l'oeil... et l'esprit.

[Filco68]

Mannolo007, le commentaire précédent est le seul qu'on ait reçu de toi.
Nous ne censurerons que les commentaires diffamatoires ou laissant échapper des informations qui doivent rester maison. Ça n'est pas encore arrivé.
Mannolo007, reclique donc mieux.

[manolo007]

il me semblait avoir envoyé un commentaire. Où s'est-il perdu ???