DE L'USAGE D'UN MEDIA AU GRAND AGE
« Quel contenu pour les journaux papier, demain ? ». Cet axe de réflexion des Etats Généraux de la Presse intéresse immédiatement les journalistes.
Au siècle dernier, à l’apogée des mass média, les réponses à cette question étaient évidentes. Mais le paysage médiatique est aujourd’hui si chargé que les vielles évidences sont bousculées.
Mais avant de se précipiter pour réfléchir sur la question « que veut lire un lecteur dans son journal ? » il semble judicieux de répondre à une interrogation préalable :
« Pourquoi lire un journal papier ? »
C’est en effet, en cernant les spécificités d’usage de ce si vieux média et en en identifiant les forces et les faiblesses, que la réflexion sur son contenu évitera les écueils pseudo- idéologiques pour plus de pragmatisme. L’objectif de cette rubrique n’étant pas de publier ensuite un essai sur la presse, mais bien d’inventorier des méthodes concrètes et applicables de développement du journal.
La mobilité
Un journal papier peut s’emmené partout, même dans le lieu de solitude le plus intime. Le journal papier se glisse dans un sac, se plie sous le bras, se transporte sans problème.
Le journal papier s’échange, se prête, se donne tant la valeur marchande du produit reste peu élevée. Ainsi, le journal papier se découpe, se déchire, supporte les ronds de verre comme le café renversé.
Le journal papier craque, bruisse entre les doigts et est embrassé des deux mains par le lecteur. Il plonge physiquement le lecteur dans l’actualité. Il se rapproche ou se recul en fonction de la vue de chacun et ne connaît aucun bug ni aucune coupure de réseau.
Mais le journal papier pour ce qui est de la mobilité voit la concurrence du numérique se rapprocher avec l'arrivée des supermobiles (iPhone), des mini-pc comme des e-paper ce qui réduira considérablement son avantage physique. Mais il ne semble pas que ce soit pour demain. Non pas pour des raisons techniques mais vraiment pour des persistances d’usage et une résistance (réticence) évidente d’une partie importante de la population à ces nouvelles technologies.
Le prix de ces technologies reste d’ailleurs bien trop élevé pour la majorité des gens.
Cependant, la plus jeune génération n’aura pas ces réticences et moins de nostalgie envers le papier. On peut donc évaluer le basculement (complet ou partiel) du média mobil papier vers le média mobil électronique dans 10 à 15 ans de façon probablement progressive.
Via son site internet, et l’implication de l’ensemble de ses journalistes à son fonctionnement, le journal peut préparer progressivement ce basculement. Il semble cependant nécessaire d’être novateur ou au moins « au goût du jour » (info temps réel, rich-media, journalisme de liens, participatif...) pour dès aujourd’hui se créer sa place dans les e-média.
La hiérarchisation
Une force paradoxale du journal papier réside dans sa capacité à hiérarchiser l’info. Paradoxale car à l’époque du zapping TV et radio ou du surf internet, le caractère « fermé » d’un journal papier est généralement pointé comme une faiblesse. Or, le média papier permet une hiérarchisation claire de l'info et une navigation finalement assez pratique et attrayante. Avec un lecteur qui n’est pas tenté à chaque ligne de glisser vers une nouvelle information jusqu’à parfois la noyade médiatique. Le journal papier, c’est l'hypersélection, l'hyper-hiérarchisation dans un univers de chaos éditorial et de flux.
Cependant cela demande à ce que le journal soit irréprochable de clarté dans sa lisibilité donc dans la mise en scène de l'info.
Avec sa nouvelle formule, si elle est respectée, la Marseillaise offre une lisibilité bien accueillie par le lecteur. Cependant, le rubriquage donc les têtières et sous-têtières reste pour nous un point faible majeur et très handicapant pour espérer l’appropriation du journal par les lecteurs. Ni thématiques, ni vraiment géographiques (sauf pour les pages d’agences) le rubriquage chaotique traduit un manque de constance de nos rédactions (probablement par désorganisation doublée de moyens humains limités). Un chantier important donc.
De « l’usage » découle « le contenue ». L’usage demande « hiérarchisation claire » qui nécessite un « contenue régulier ».
Dernier point lié à l’usage d’un journal papier : l’habitude.
Pour beaucoup, l’achat d’un journal puis son survol, enfin sa lecture, restent un cérémonial, une habitude quotidienne. Tel journal, acheté à tel kiosque, lu à tel café, d’abord tel page, puis tel autre (d’où la nécessité d’un rubriquage rigoureux)… Une succession de rites rassurant qui sont bien difficiles à faire changer.
Chercher de nouveaux lecteurs consiste donc à changer leurs habitudes pour leurs en imposées de nouvelles organisés autour de votre journal. Appâter, harponner, fidéliser.
La Marseillaise aujourd’hui n’y est pas du tout. Pas plus en moyen humain qu’en méthode ou qu’en orientation.
Certains caractères du journal pourrait pourtant devenir des leviers important dans cette quête vitale : d’abord le mondial à pétanque la Marseillaise qui n’est absolument pas exploité pour la promotion puis la vente (à long terme) du journal, puis la spécificité éditorial historique du journal, un canard d’opinion de gauche, dont le positionnement actuel apparaît comme inintelligible par beaucoup de lecteurs qui ne restent donc que potentiel.
Voilà donc un constat sur l’usage du journal papier qui influe sur son contenue et même sa ligne éditoriale.
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