LE BOB, LES POILS ET LES BOULES

Mercure en baisse, moral en berne. Un bon gros ciel gris qui arrose une fois de plus toute la région, des températures en chute libre et te voilà à repenser à l’été, les pique-nique à la plage et autres joyeusetés. Et même de te souvenir de ces mémorables partie de pétanque… Tiens, en parlant boules, tu en profites pour te replonger dans le monde merveilleux du Mondial. Un monde où pour une fois, ton canard l’a belle. Au parc Borély, c’est la Marseillaise qui brille et tout le monde te félicite pour ce " super " concours que férus du cochonnet ou amateurs ne raterait pour rien au monde. Faut dire qu’au départ, toi tu y allais un peut contraint et forcé. Pour bosser quoi. Et puis pas vraiment ton truc la glacière et le bob Ricard. Mais finalement, malgré les sarcasmes de tes potes, tu te dis que c’est quand même sympa de te délocaliser sous les arbres avec les petits oiseaux. T’aimes bien aussi bosser avec des jeunes qui n’en veulent. Même si tu regrettes toujours un peu l’inamovible chef des sports de l’époque où tu débutais. Enfin inamovible, façon de parler. Impossible d’oublier que quand l’heure de sa retraite a sonné après pas loin de 30 Ans de bons et loyaux services, on lui a craché à la figure quand il a réclamé l’indemnité à laquelle il avait pourtant droit.

Mais bon, maintenant tu as même pris tes petites habitudes : arrivée au parc 9h du mat’, départ 1h du mat’ aussi. Et même que des fois le soir t’as plus grand chose à bouffer. T’as bien compris que t’es pas là pour t’amuser, contrairement à ce que tes petits camarades imaginent.

L’année dernière t’as même tâté de la " miiiise en ligne " sur internet. T’as eu la joie de voir le nombre de clics monter en flèche, t’y a pris goût même si c’est deux fois plus de boulot vu qu’une fois de plus, ta direction, figée dans les années 50, n’a pas mis les moyens pour profiter du formidable essor de cet outil. Pourtant tes " clients " boulistes, tout poilus avec leurs chaînes en or qui brillent, ont déjà capté depuis longtemps. Tout beaufs qu’on les croit, ils suivent et se connectent à mort.

Faut dire qu’ils ont de la lecture, les papiers tombent. Tu travailles avec des pigistes qui se démènent en plein cagnard, qui se plaignent jamais même s’il leur faut bosser sur le coin d’une table dans une baraque à roulettes pleine comme un œuf. Imperturbables, ils enchaînent les parties tandis que toi tu te demandes si les ordis vont tenir après la énième coupure d’électricité. Tu te souviens aussi du chemin de fer qui change because la pub a merdé, de la pression qui monte parce que tes pages doivent partir aux rotos et que ça passe pas, des photographes qui font la queue parce qu’il n’y a qu’un seul poste où décharger les photos ou qui courent le soir de la finale entre le Vieux Port et le siège faute d’une pauv’ liaison internet, des ambitions de travail revues à la baisse faute de prévisions… Tous ces petits trucs qu’on pourrait résoudre facile pour être au top en tant que journal organisateur. Et dire que quand même le succès de ce rendez-vous ne se dément pas. Encore une leçon en matière de gestion de la misère.