Le Monde indépendant de qui ?
Le trio BNP (Bergé, Niel, Pigasse) a obtenu un vote en sa faveur du Conseil de surveillance LMPA le 28 juin. Auparavant la majorité des actionnaires internes (hormis l'Association Hubert Beuve-Mery) avait voté pour cette option de recapitalisation proposée par l'homme d'affaire Bergé, le banquier Pigasse (banque Lazard) et Niel, le patron de Free.
Cette montée au capital de la banque Lazard ne sonne-t-elle pas le glas de l'indépendance du Monde et du groupe?
La
SRM a estimé que seul l'attelage BNP va "incarner la
continuité et l'indépendance des journaux du
groupe". Illusion ou solution du moindre mal après les
pressions exercées par l'Elysée sur la Direction du
Monde en faveur d'un autre groupe de repreneurs?
L'offre
BNP
soulève quoiqu'il en soit bon nombre
d’interrogations
Pourquoi d'abord cette soudaine envie de BNP de recapitaliser le Monde à part égale? Quelles garanties ont les syndicats et les salariés sur les promesses de maintenir les entités d'un groupe avec les personnels, de maintenir les accords d'entreprise, de préserver l'indépendance rédactionnelle par le biais d'une fondation?
L'offre
BNP ne doit se concrétiser que dans les trois mois.
Mais d'ici là, quid du projet industriel des repreneurs,
de la stratégie pour l'imprimerie, des projets éditoriaux
des relations avec le MIA, du rachat des ORA, du pôle
d'indépendance et de la gouvernance du groupe?
Quant
aux actionnaires externes: quelle sera l'attitude de Prisa dans cette
affaire, sachant que son PDG n’a peut-être pas dit son
dernier mot pour formuler une nouvelle offre. Celle-ci pourrait
peut-être intervenir en septembre si les négociations de
cet été n’aboutissaient pas.
Détenant
17%
du capital du Monde LMSA, 34% du Monde multimédia et le
JDD
qui reste une charge de travail importante donnée à
l’imprimerie du Monde,
le rôle de Lagardère risque d’être
déterminant. Exercera-t-il son droit de nuisance à la
recapitalisation du groupe ? Empochera-t-il un gros chèque
pour sortir du jeu ? L’été nous éclairera
sur les intentions de chacun.
Mais
la crise actuelle n'est pas née soudain dans un ciel serein
Elle
est
le résultat d'une politique de fusion-acquisition aveugle
au cours des dernières années parallèlement à
l a montée de l'influence d'Alain Minc, aujourd'hui
conseiller de l'ombre de l'Elysée (affaire de la suppression
de la publicité à France TV au profit du groupe
Courbit). Elle est aussi le fruit de la gestion catastrophique des
managers du journal dont les salariés du groupe -seule
variable d'ajustement- ont fait les frais.
Plus
globalement,
ce que vit Le Monde est le reflet de ce qui menace la
presse française malade du système économique.
Mais aussi de la volonté politique du pouvoir en
vue des échéances de 2012 de mettre la presse écrite
et audiovisuelle sous influence.
Face à cette
situation le SNJ-CGT appelle les personnels à rester vigilants
car rien n'est réglé sur le fond.
Pour la CGT il n'est
pas question de signer un chèque en blanc à qui que ce
soit et à ne pas croire les yeux fermés aux promesses
au risque d'être des victimes consentantes de semeurs
d'illusions.
Car
aujourd'hui
clairement l'indépendance du groupe est menacée
Pour la CGT, il est
temps de faire vivre au Monde comme ailleurs l'indépendance
des rédactions face aux actionnaires et faire que les
journalistes reconquièrent enfin l'information avec les
citoyens-lecteurs.
Cette
revendication
est plus que jamais vitale face à la
volonté de l'Elysée de créer des grands groupes
multimédias internationaux (concept lancé lors des
Etats
généraux de la presse écrite l'an dernier) pour
réduire l'information à une marchandise.
Montreuil, le 6 juillet 2010